Un visiteur, venu d'ailleurs! [Sinead]

Les journées se ressemblaient toutes dans cet hôpital. Les titulaires opéraient, les internes apprenaient auprès des résidents, et les patients tentaient de survivre tant bien que mal. Que c’est morose l’hôpital. Comme chaque soir, Adam était loin d’avoir sommeil. Il y avait trop de choses qui le perturbaient, c’était fou comme on pouvait penser aux erreurs du passé lorsqu’on était cloué à un lit, luttant pour éviter d’attraper des escarres. Pour l’instant, en six mois, il n’en avait jamais eues. Il tentait de bouger le plus possible, et n’hésitait pas à demander aux infirmières de le retourner dans le lit, pour éviter de dormir toujours dans la même position. Mais ce qu’il y avait de vrai, c’est que cet accident avait ruiné sa vie. Il refusait de regarder la F1 à présent. Il ne savait même pas qui était l’actuel numéro un mondial. Ce crétin qui avait profité de son accident pour se hisser à son tour, sur la plus haute marche. Pathétique… Il fixait souvent son casque qu’on lui avait posé au dessus de l’armoire : AJT, oui tout le monde l’appelait comme ça, avant. Ca faisait d’ailleurs bien longtemps qu’il n’avait plus vu personne, on ne lui rendait pas visite. Il s’était rendu compte à quel point les gens, qui prétendaient être ses amis n’étaient intéressés que par la gloire. Pas le temps de se morfondre, au moins ici, il avait de la compagnie. Il recevait aussi des fleurs et des petits mots, de fans en délire…Du genre : ‘Un champion ne meurt jamais, courage Adam, et à bientôt sur un circuit.’ Ca lui donnait envie de vomir. C’était pourtant gentil, mais rien qu’à l’idée de se dire qu’il ne parviendrait peut-être jamais à se lever, il se plongeait dans un étrange mutisme, se coupant du monde, se rongeant intérieurement. Ce fameux feu rouge, il s’en souviendrait toute sa vie. Assez tergiversé. Il tira sur la couverture, d’un grand coup sec, il n’avait pas sommeil, il ne dormirait pas. Il était en caleçon, tant pis, il prendrait la couverture avec lui. Il attrapa le fauteuil roulant pour le tourner vers lui, et il appuya sur la télécommande du lit pour le descendre légèrement. Ainsi, il put se tirer jusqu’au fauteuil, et s’asseoir. Ca lui faisait toujours une drôle de sensation, il avait l’impression de ressentir des douleurs inexistantes à chaque fois qu’il le faisait.

Il posa ensuite la couverture sur ses genoux, histoire de ne pas se les geler dans le couloir, et entreprit sa route avec son petit bolide, qui lui servait de F1 des hôpitaux. Fermant soigneusement sa porte, il se rendit jusqu’à l’ascenseur, où il attendit patiemment que celui-ci monte. Il se foutait de se faire surprendre, après tout, il n’était pas malade, il ne transportait aucun microbe, il voulait juste se balader. Rentrant dans l’ascenseur, il appuya au hasard sur le bouton du troisième étage. Il sortit donc bien vite de l’ascenseur. Il avait froid, mais peu lui importait. Les couloirs étaient assez effrayants la nuit, il n’aimait pas cette ambiance de mort qui régnait bien qu’ici on fasse de son mieux pour sauver des vies. Il rentra dans la salle des internes. Il n’avait évidemment pas le droit d’y aller, mais il n’y avait personne, c’était éteint. Oh et puis s’il surprenait deux internes en train de s’envoyer en l’air ce n’était pas la mort non plus. Il tâtonna cherchant l’interrupteur. Du bout du doigt, s’étant hissé du mieux qu’il pouvait, il avait réussi à l’allumer. Dure vie que celle d’un paraplégique. Et là ce fut la révélation : quel bazar ! Ils arrivaient donc à tous rentrer la dedans. Il y avait tout un tas de maquettes. Au départ, Adam observait, paisiblement, mais soudainement, une envie lui prit de tester une des maquettes. Au niveau de celle-ci, il se plut à jouer avec :

« Scalpel ! Merde, je me suis gourré ! Vite achevez-le ! Je préfère le voir mort que… »

Et il se retourna soudainement ayant entendu des pas derrière lui. Il s’était totalement immobilisé.

Calme plat. Voilà à quoi c'était résumé la journée de Sinead. Aucun cas sanglant, sortant de l'ordinaire, même pas un petit accident. Rien. Elle avait passé sa journée, le nez fourré dans de la paperasse qu'Emrys lui avait refilé, tandis que ces deux autres acolytes avait été envoyé au dispensaire. Elle aurait encore préféré y aller, au moins elle aurait pu avoir la joie de piquer des douzaines de personnes pour un rappel de vaccin ou autre. Personne pour la distraire, elle était abandonnée à son triste sort. Mais après tout cela avait été une excuse de plus pour ne pas aller au rendez-vous obligatoire de psychologie, soit voir son père. Une fois toutes les semaines, les employés de l'hôpital devaient se rendre au service de psychiatrie, qui selon le chef était nécessaire pour la santé mentale de ses salariés, ce à quoi Sinead avait réussi à y échapper. Par divers stratagèmes, son rendez-vous se voyait toujours reporté, au grand désespoir de son paternelle qui ne cesse d'espérer qu'elle vienne à l'une de ces entrevues. Adossée contre un mur dans les couloirs du second étage, elle attendait. L'attente de voir son amant passé, pour l'attraper au passage et l'emmener dans une des multiples chambres libres de l'hôpital. Oui, elle avait besoin de distraction, et elle était persuadée de ne pas croiser Emrys, qui lui demanderai avec évidence ce qu'elle foutait là à regarder les gens passer à la place de classer ses foutus dossiers. Elle resta peut-être une heure, peut-être un plus, avant de retourner à l'étage supérieur. Il n'y avait donc strictement rien à faire, et même pas s'envoyer en l'air car personne n'avait eu la décence de se pointer sous son nez, du moins personne qu'elle espérait.

La nuit était tombée et elle était encore loin d'avoir finit sa journée, étant de garde pour sa soirée. Aucune infirmière dans les parages avec qui partager quelques ragots, aucun titulaire pour quémander de participer bien sagement à une opération, elle se résigna à se diriger vers la salle des internes dans l'espoir de retrouver Moisey ou bien Callum qui puisse la divertir le temps de quelques heures avec leurs blagues à deux balles. Entrant alors dans la pièce elle aperçut une personne de dos en fauteuil roulant, qui de toute évidence n'avait rien à faire là. Elle finit par constater que se visage ne lui était pas inconnu. « Mon Dieu que tu t'y prends mal, je n'imagine même pas alors comment tu t'y prends avec les femmes. » Sourire aux lèvres, elle disait juste cela afin de taquiner son cher patient favori. Puis le regardant de haut en bas, elle prit un air plus sérieux. « T'es pas sérieux Adam, t'as vu comment t'es habillé ?! Tu vas prendre froid, allez je te ramène à ta chambre, et de plus tu n'as rien à faire ici. » Une vrai mère poule quand elle le voulait.

Il avait eu peur que ce soit un membre du personnel tel Emrys, qui ne pouvait pas l’encadrer, ou même un résident, qui aurait été catégorique, au dodo direct, comme les gosses. Mais non, il ne s’agissait que de Sinead. L’interne la plus adorable de l’hôpital. Il avait l’impression que pour elle, s’occuper de lui c’était comme un plaisir, alors que ça ne devrait pas être le cas. Il y avait des gens comme ça, qui vous inspirent plus que d’autres. D’ailleurs, la relation avec Sinead était différente des autres. Il n’avait jamais eu d’amie fille avant d’arriver ici, son statut de star l’empêchait peut-être, mais il était content d’avoir trouvé quelqu’un sur qui compter, quelqu’un qui avait aussi des choses à raconter, plutôt que de devoir assister à une drague sans relâche, pour finir dans le même lit.

« Ouf Sinead, tu m'as fait peur. »Comment ça il s’y prenait mal ? Ce n’était pas son métier, et de toute évidence il plaisantait. C’était aussi le cas pour la jeune femme, il le voyait à ses lèvres, ce sourire qu’elle affichait souvent. Pourtant elle était loin d’être heureuse pour lui, il n’y avait qu’à voir sa situation catastrophique avec les hommes. Du coup, elle était, pour lui, mal placée pour parler.

« Je m’y prends peut-être mal avec les femmes, mais je ne les cumule pas moi au moins ! »

D’un sourire malicieux, il leva légèrement la tête vers le haut ; c’est qu’on se sent bien bas sur un fauteuil. Il se passa une main dans les cheveux, pour les ébouriffer, signe qu’il était gêné. Il ne se la jouait pas strip-teaseur, juste qu’il était incapable de mettre un pantalon, et pour ce qui était du t-shirt, il n’avait juste pas pris le temps de le mettre. Faisant une légère grimace, il répliqua, pour se justifier au départ :

« J’ai pris la couverture… Et puis tu sais très bien que je suis incapable de m’habiller seul. »

Il baissa la tête, c’était honteux de dire un truc pareil. Il se sentait comme un gamin de 4 ans qui cherche une excuse pour pas aller à l’école. Comme s’il s’attendait à ce qu’elle saisisse le fauteuil pour le ramener, il attrapa les mains de la jeune Horsfield, et il supplia

« Non s’il te plait, j’ai pas sommeil, et j’en ai marre d’être immobile dans mon lit. Si tu veux on sort d’ici, mais ne me ramènes pas…S’il te plait. Et ça te fait une excuse pour toi aussi ! »

Il avait l’air sérieux en plus. Il avait une peur bleue des escarres, il les redoutait plus que la peste. Regardant la maquette qu’il avait légèrement abimée, il voulut changer de sujet, parler de lui, ce n’était pas son fort.

« Alors…Emrys et le chirurgien de cardio ? Toujours pas choisi ? »

Il laissa tomber la couverture sur ses jambes, il se disait que s’il avait froid, c’était parce que ces dernières devaient être congelées. Relevant la tête vers Sinead, il lui fit un sourire sincère, il ne savait pourquoi, il avait juste envie de le faire, plutôt que de balancer des paroles inutiles. Observant la salle des internes, il finit par dire :

« Qui tu cherchais que tu es venue par ici ? »

Avec elle, il posait toujours beaucoup de questions. Là en l’occurrence c’était histoire de lui faire oublier qu’elle devait le ramener à sa chambre. De toute manière, si c’était ce qu’elle avait décidé de faire, il ferait en sorte de ralentir ce moment au possible. Après tout il savait se servir de ses bras pour ralentir le fauteuil, et n’était pas prêt de se laisser faire, il préférait se battre, dans n’importe quelle situation.

» YOU CAN'T ALWAYS GET WHAT YOU WANT ☼ SINEAD
» SINEAD ♫ Even if it's a lie, say it will be alright
» SINEAD ♫ let's warm that heart of yours.
» PRETTY WOMAN LOOK AT ME IN THE FACE ♦ la cruelle, mais si belle Sinead